Friday, 3 September 2010

Book 3, chapter 5, paragraph 14

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 293-294]

   Lorsque le commerce et l’industrie solin libres, chaque artisan emploie toute son énergie, à perfectionner son art, en mettant en œuvre des procédés nouveaux, soit pour produire en qualité égale à meilleur marché que les autres, ou pour produire à égalité de prix des marchandises d’une meilleure qualité; peu importe que dans cette intention, il dénature les marchandises des anciennes fabriqués; car il ne perdra jamais de vue les besoins et les goûts des consommateurs, puisque son unique but est de leur vendre. Ceux-ci savent sans doute beaucoup mieux ce qui convient à chacun d’eux, que le Souverain; et s’ils ont besoin de draps dont les uns aient une aune et demie de large, et les autres seulement une aune, il n’est point nécessaire que les règlements ordonnent la fabrication des premiers à Sédan, des seconds à Elbeuf; il n’est pas douteux que sur la demande du consommateur, on n’en fasse de la largeur qui sera la plus commode, sans que l’autorité du Gouvernement s’en mêle: car le marchand ne pourra vendre que ce qui conviendra aux consommateurs, et celui qui aura mal consulté leurs goûts et leurs besoins, restera chargé de sa marchandise. Le chef-d’œuvre de l’artisan n’est pas plus utile que les statuts réglementaires du commerce; celui qui contente ses pratiques, est plus sûrement un bon ouvrier, que celui qui a obtenu l’approbation des Jurés; celui au contraire qui ne sait pas satisfaire leurs goûts, eût-il fait le chef-d’œuvre le plus applaudi, doit réformer son travail, s’il veut être un membre utile de la société. Laisser les ouvriers dans l’obligation de consulter sans cesse la volonté du public; c’est le moyen le plus sûr de les voir s’y conformer toujours, et perfectionner par conséquent toujours plus leur métier.

[Translation]

   When trade and industry are free, every artisan devotes all his energy to improvement of his art, by taking a try for a new process to produce something of the same quality at a lower cost than any one else, or something of better quality at the same cost. It does not matter whether this intention leads him to transform commodities of ancient formulas, if he will not lose sight of the needs and taste of consumers as his own purpose is to sell to them. No doubt, each of them knows what is good for him much better than the sovereign, and, if he needs two kinds of textile, one of which is one yardstick and a half broad, and the other of which is only one yardstick, it is not necessary that regulations should order Sedan to manufacture the first kind, and Elbeuf the second. There is no doubt that textile of the most adequate length will be supplied on the demand made by consumers, without intervention of the governmental authority. This is because the merchant will be allowed to receive money only for what will be good for consumers, and if he has wrongly consulted their tastes and needs, he will be left keeping goods in his repository. The masterpiece of the artisan is no more useful than the regulatory statutes of commerce. The artisan who satisfies his customers is more certainly a good labourer than that who has obtained approbation from jurors of a trade association. The artisan who, on the contrary, cannot satisfy their tastes, though he had produced the most applauded masterpiece, should change his process if he wants to be a useful member of the society. You should leave labourers obliged always to consult the public will. This is the surest way to see them to conform to it and, as a consequence, always to improve their trade further.

Thursday, 2 September 2010

Book 3, chapter 5, paragraph 13

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 291-292]

   Si les règlements du commerce pouvaient obliger nos fabricants à donner à leurs étoffes la même force et la même durée, qu’on leur donnait il y a un siècle ou deux, ils rendraient un très mauvais service, aux consommateurs, car ils les forceraient à payer fine qualité qui leur serait inutile. Mais quoique les statuts puissent forcer les fabricants à tisser leurs étoffes selon certaines règles, ils ne peuvent les obliger à leur donner un degré déterminé de bonté. Il y aura toujours le même nombre de fils de chaîne et de trame, la même lisière, et des laines de même dénomination, mais l’on n’apportera point le même soin à toutes les opérations préparatoires, et l’on emploiera à éluder le règlement pour faire mal, l’étude qui aurait suffi pour mieux faire. Toutes les entraves que l’on peut mettre aux arts s’opposent bien plus à leur perfectionnement, qu’à leur décadence; il faut les violer pour faire quelque chose de nouveau et de mieux, mais il suffit de les éluder pour mal faire. La seule intention de l’artisan, lorsqu’il perfectionne son métier, c’est de s’en faire un mérite auprès du consommateur; s’il doit lui cacher ce perfectionnement, il se gardera bien d’y prétendre.

[Translation]

   If regulations of commerce could oblige our manufacturers to give textiles the same strength and durability as they gave a century or two ago, the regulations would do the consumer an extremely bad service, because they would force him to pay for the quality which would be of no use for him. However, although the statutes can force the manufacturers to weave textiles according to certain regulations, they cannot oblige the manufacturers to give their textile high quality to a decisive degree. The manufactures will always use the same number of warp and woof threads, the same list, and wool of the same denomination, but will not apply the same craftsmanship to all processes, and will give consideration to how to elude the regulation for cheap production, a consideration which would be enough for higher-quality production. All regulations which can be put upon arts are even more opposed to improvement than to decline in arts. Infringement upon regulations is necessary to make something new and better, but elusion of regulations is sufficient to make something worse. The only intention of the artisan for improvement in his trade is to make a merit in the eye of the consumer. If he must hide this improvement from the consumer, he will not venture to look for improvement.

Wednesday, 1 September 2010

Book 3, chapter 5, paragraph 12

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 290-291]

   Malgré les déclamations d’Herrenschwand, on travaille mieux en Angleterre, et avant la révolution, on travaillait mieux en France, qu’on ne faisait il y a cent ou deux cents ans. Nos étoffes cependant n’ont point la même durée qu’avaient celles de nos ancêtres, mais c’est que nos goûts et nos usages ne demandent point que les fabricants donnent autant de solidité aux tissus qu’ils préparent. Nos modes variant chaque jour, nous ne trouverions aucun avantage à posséder des étoffes qui dureraient trente ans, et seraient cependant au rebut dès la seconde année. Nos fabricants pourraient en produire, si on les leur demandait, mais ils ne trouveraient jamais assez de chalands disposés à payer l’augmentation de prix que ce perfectionnement de qualité devrait occasionner. Il ne faut point attribuer à nos manufactures un changement qui tient à nos mœurs; il est lié au désir de nous mettre plus à notre aise, et consulter chaque jour la mode régnante, notre goût et notre commodité.

[Translation]

   In spite of the declamations by Herrenschwand, people work better in England today, and worked better in France before the revolution, than one or two centuries ago. Now our textiles do not have the same durability as those of our ancestors, but our tastes and usage do not demand that manufacturers should give the same strength to the textiles they prepare. Our fashion varies from day to day, and we will find no advantage in possessing the textile which should be thrown away at the beginning of the second year for all its durability of 30 years. Our manufacturers could produce such textile if they were demanded to, but they would not find a sufficient number of customers inclined to pay the price inevitably raised by this improvement of quality. You must not attribute a change of our manners to our manufacturers. It is related to our desire to place ourselves in more comfort, and to follow the dominant fashion, our taste and pleasure.

Tuesday, 31 August 2010

Book 3, chapter 5, paragraph 11

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 288-290]

   M.r Herrenschwand dans son discours sur la population, se plaint amèrement du déclin des manufactures quant à la perfection de leur travail. En Angleterre, assure-t-il, elles se détériorent à mesure que les impôts augmentent. Comme beaucoup de gens se plaignent avec lui, de ce que la qualité des étoffes et des autres marchandises devient chaque jour plus mauvaise, il est bon d’examiner ces réclamations. En général, c’est l’intérêt du fabricant qui invente une étoffe nouvelle, de la rendre fort belle et fort bonne, et de la destiner à la consommation des gens les plus riches et du meilleur goût, pour que ceux-ci lui en payent un prix proportionné à la valeur supérieure de sa marchandise. Tous ceux dont la fortune est inférieure à celle de ces premiers, veulent cependant les imiter , et se procurer des étoffes qui paraissent semblables à celles qu’ils ont mises à la mode, si elles ne sont pas telles en effet. Pour satisfaire cette seconde classe de consommateurs, tous les autres fabricants s’empressent d’imiter la manufacture nouvelle, mais d’une manière moins dispendieuse, avec des matériaux moins bons, et des soins moins exacts; la vente de ces étoffes nouvelles devient plus rapide, celle des plus parfaites se ralentit, parce que les riches ne veulent plus d’une marchandise qui ressemble à celle que tout le monde achète. Il se forme bientôt une nouvelle manufacture pour eux, et celle qu’ils ont abandonnée trouve souvent plus profitable, de faire elle-même, comme les autres, la contrefaçon de son premier ouvrage, et de travailler pour la masse du Peuple, que de continuer à mettre beaucoup de soin à sa fabrication. Le Peuple profite donc toujours, et à bon marché, de toutes les découvertes qu’on avait faites dans les arts pour servir les riches; tandis que ceux-ci peuvent toujours trouver des marchandises parfaites, et adaptées à tous leurs désirs, encore qu’elles ne portent point la même dénomination que portaient celles dont s’habillaient il y a cent ans leurs devanciers, et dont s’habillent aujourd’hui les classes inférieures de la société.

[Translation]

   Mr Herrenschwand in his discourse upon population complains bitterly of the decline of manufactures as to improvement of their production. In England, he declares, manufactures are on the decline the heavier taxes are. Since a host of men complain with him that the quality of textile and other commodities is going lower and lower day by day, it is good to examine these complaints. In general, it is the interest of the manufacturer that invents a new kind of textile, to make it extremely beautiful and good, and to make it good for men of the most wealth and best taste to consume, for these men to pay him a proportional price to its higher vale for it. All those who are inferior in fortune to these first class men, however, try to imitate them, and to obtain woollen textile which looked similar to that in fashion if it is not identical in fact. To satisfy this second class of consumers, all other manufacturers are anxious to imitate the new manufactory, but in a more economical way, with worse materials, and with less care. This new textile has a quicker sale, and the most perfect has a more slugish one, because the rich no longer demande a commodity which resembles that which every one buys. There soon comes to being a new manufactory for the rich, and the manufactory that they have abandoned often finds it more profitable to pirate its first work like others, for itself, and to work for the mass of the people, than to continue to produce with much care. Therefore, the people always profit, at a lower cost, from all discoveries made in arts to serve the rich. On the other hand, the rich can always find some commodities perfect and adapted to their desires, though their favourite textile does not carry the same denomination as does that in which their predecessors were dressed a century ago, or in which the lower class are dressed today.

Monday, 30 August 2010

Book 3, chapter 5, paragraph 10

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 287-288]

   Pour faire des règlements semblables, on à consulté l’état actuel des choses, l’on n’a point ordonné des perfectionnements qui n’existassent pas, mais l’on a rendu l’art stationnaire, en pourvoyant à ce qu’il ne fit point de pas rétrogrades, et ne cheminât point non plus en avant. Le but avoué de ces règlements, n’était pas seulement d’empêcher que les consommateurs ne fussent dupés par les fabricants, mais aussi d’assurer à ces derniers, qu’il ne s’établirait point à leur portée quelque nouvelle fabrique, qui en imitant et perfectionnant leurs procédés pût leur faire une concurrence dangereuse. Le Gouvernement dans cette occasion, soutenait donc contre la nation, non point l’intérêt du commerce, mais celui de quelques fabricants particuliers. Il est dans la nature des manufactures de faire des progrès; celles de France ont prospéré tant que la fortune publique a été en croissant, non point à cause des entraves auxquelles on les avait soumises, mais en dépit d’elles.

[Translation]

   Those who implemented such regulations consulted the current state of things, and did not direct unknown improvements but rendered arts stationary by providing that it should be neither retrogressive nor progressive. The avowed purpose of these regulations was not only to keep consumers from fraud practiced by manufacturers, but also to assure manufacturers that there would be within their reach no manufactory which might come into dangerous competition with them by imitating and improving their process. On this occasion, therefore, the government did not underpin the interest of commerce, but that of particular manufacturers, against the nation. It is in the nature of manufactures to make progress; French manufactures prospered as the public fortune was on the increase, not due to obstacles to which they were subject, but in spite of the obstacles.

Sunday, 29 August 2010

Book 3, chapter 5, paragraph 09

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 285-286]

   Les règlements fabriques de drap, par exemple, fixent avec la plus grande précision, la longueur, la largeur, la qualité des laines, et le nombre des fils de chaîne qu’on devra employer dans la fabrique de chaque ville en particulier; ils infligent des amendes pour toute déviation de cet ordre établi, et chaque règlement contient un article analogue au § 9 du règlement du 20 Novembre 1708 (3), portant: «les marchands fabricants et les entrepreneurs de manufactures, ne pourront faire d’autres draps pour le Levant, que ceux des qualités portées par le présent règlement.» Ce qui revient à peu près à dire, il est défendu aux fabricants, soit de profiter des nouvelles découvertes et du perfectionnement de l’industrie, soit de se conformer au goût des consommateurs (4).

[Translation]

   The regulations of manufactories of woollen textile, for example, specify, with the greatest precision, the length, the width, the quality of wool, and the number of warp which should be employed in each city in particular. They provide that the manufactories should be fined if they deviate from this standard, and each regulation contains an article similar to clause 9 of the regulation of 20 November 1708 (3), which read that “manufacturing tradesmen and entrepreneurs of manufactories will not be allowed to produce other woollen textile for Levant than that of qualities specified by the present regulation.” This means virtually to say that manufacturers are prohibited from profiting both from new discoveries and improvement of industry and from conforming to taste of consumers (4).

Saturday, 28 August 2010

Book 3, chapter 5, paragraph 08

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 284-285]

   Le second motif qu’on a allégué au Législateur pour obtenir de lui en faveur des corps de métiers le droit d’admettre ou de rejeter de nouveaux confrères, n’est pas mieux fondé que celui que nous venons d’examiner. On lui a donné à entendre, qu’il était nécessaire de repousser tous ceux qui ne donneraient pas une preuve de leur habileté, en faisant leur chef-d’œuvre; sans quoi l’on verrait dégénérer rapidement les arts et l’industrie; et c’est aussi pour cela qu’on a étayé cette première loi des corps de métiers, d’une foule de règlements sur la manière dont doivent travailler les artisans, sur les qualités que doit avoir leur ouvrage, et sur les visites de jurés auxquelles il convient de l’assujettir; comme si les consommateurs auxquels il est destiné, et qui n’achètent que ce qui leur convient, n’étaient pas les meilleurs de tous les jurés pour l’inspection des fabriques.

[Translation]

   The second reason for which the legislator should accord trade associations the right to admit or reject new colleagues is no better grounded than that which we have examined. It has been suggested to him that it is necessary to reject those who would not show proof of their ability, producing their masterpiece. Otherwise, we could see arts and industry rapidly decline. Moreover, for that, we have reinforced this first law of trade associations, with a host of regulations upon the way for artisans to work, upon the due quality of their work, and upon the visitation of jurors of associations to which they should be exposed. This is as if the consumer at whom their work is to arrive and who buy only what pleases him were not the best juror for the inspection of manufactories.