Friday 19 February 2010

Book 2, chapter 9, paragraph 14

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 136-138]

   Un exemple servira à rendre cette vérité plus palpable encore. On a remarqué que les peaux des chèvres qui vivent dans les Hautes-Alpes, et surtout dans les Départements du Mont-Blanc et du Léman, sont plus propres que d’autres aux travaux du mégisser et du faiseur de maroquins. L’Anglais chez qui cette branche d’industrie fleurit aujourd’hui, tire de là toutes les peaux qu’il emploie pour les portefeuilles, et d’autres ouvrages délicats de ce genre. Un Français qu’aveuglait son zèle, a désiré rendre à sa patrie cette branche de manufactures, et il a fait déjà quelques démarches auprès du Gouvernement pour l’engager à empêcher la sortie de ces peaux de chèvre par un redoublement de vigilance, et forcer ainsi le propriétaire Français, qui n’aurait plus d’autres chalands, à vendre ces peaux au fabricant Français à plus bas prix qu’il ne fait aujourd’hui. Celui-ci privé de capitaux, et n’ayant qu’une industrie languissante, ne peut, si les matières premières ne baissent de prix, les manufacturer encore qu’elles soient à sa portée, au même prix que les Anglais. La différence est même bien considérable, car les fabricants Anglais qui vendent à Paris des maroquins supérieurs pour la qualité, ou inférieurs pour le prix, aux maroquins Français, ont à payer de plus qu’eux, le port des peaux de chèvre de France en Angleterre, l’assurance du contrebandier pour les sortir en fraude, le port des maroquins d’Angleterre en France, et l’assurance des contrebandiers pour les y introduire. Dans l’état actuel de notre industrie, la fabrique des maroquins serait donc une manufacture perdante, puisque si le commerce était libre, le prix intrinsèque de ceux fabriqués en France serait supérieur de cinquante pour cent à leur prix relatif. Lorsque le commerce est soumis au monopole, ce n’est plus le fabricant, mais le consommateur d’une part, le fermier de l’autre, qui perdent ces cinquante pour cent. Dans l’un et l’autre cas c’est toujours la nation. On ne peut donc sans extrême imprudence encourager une manufacture qui, loin de donner un revenu, ne peut être soutenue qu’aux dépens des revenus que produisent les autres travaux nationaux.

[Translation]

   An example will help to make this truth still more understandable. It has been noted that rawhides of goats living in Hautes-Alpes and, above all, in the department of Mont-Blanc and Leman are the most suitable to the labour of the tanner and the manufacturer of morocco leather. Tanners and manufacturers of morocco leather in England, where this branch of industry flourishes today, import from there all rawhides of which they make wallets and other refined work of this sort. A Frenchman, blinded by his ardour, desired to introduce this branch of manufactures to his country, and already made some petitions to the government for prohibiting these rawhides of goats from being exported by reinforcement of vigilance, and thus for forcing the French landlord, who no longer had any other customer, to sell these rawhides to the manufacturer in France at a lower price than he does today. The manufacturer, deprived of capitals and having only inactive industry, cannot, if raw materials do not fall in price, manufacture them at the same price as the English manufacturer, though they are within his reach. The difference is even extremely wide, because manufacturers in England who sell to Paris some morocco leather higher in quality, or lower in price, than French morocco leather, have to pay the more than those in France due to the carriage of gout rawhides from France to England, the guarantee of smugglers for their illegal exportation from our country, the carriage of morocco leather, the guarantee of smugglers for its importation to our country. In the present state of our industry, the manufactory of morocco leather would, therefore, be at a loss, because, if trade is free, the intrinsic price of those manufactured in France would be 50 per cent higher than their relative price. When trade is subject to a monopoly, it is no longer the manufacturer but the consumer on the one hand and the farmer on the other hand that sustain this 50 per cent. In both cases, it is the nation. Therefore, we cannot without extreme imprudence encourage a branch of manufacture which, far from affording revenue, can be only supported at the expense of the revenue which the rest of the national labour produces.