Saturday 3 July 2010

Book 3, chapter 3, paragraph 03

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 223-227]

   Souvent par exemple le Législateur a voulu favoriser une manufacture ou un commerce dont les produits annuels ne vont pas à cinquante mille francs, tandis que la consommation de la France entière, en objets analogues, s’élève au-dessus d’un million; si dans ce but il a taxé à 10 pour cent les marchandises importées qui font concurrence à la manufacture qu’il protège, pour procurer à celle-ci un bénéfice de 5000 francs, il cause au consommateur une perte de plus de 100,000 francs, dont les contrebandiers seront peut-être seuls à profiter. C’est ainsi que pour favoriser les manufactures de toiles peintes, de mousselines, d’étoffes de coton de tout genre, et de quincaillerie, qui ne suffisent probablement pas au dixième de la consommation française, la totalité de cette consommation a été taxée en faveur du contrebandier par une prohibition. Souvent encore le Législateur en appesantissant la main sur l’industrie étrangère, a voulu faire naître dans l’intérieur, une manufacture qui n’y existait point encore, et n’a pas réussi; c’est ainsi que nous avons vu qu’il a renchéri sans succès le coton filé, et les limes d’horloger; alors la perte du consommateur ou des manufactures n’occasionne pas le plus léger profit à personne, si ce n’est au contrebandier. Souvent il s’y est pris de la même manière pour favoriser un commerce étranger; c’est ainsi que pour protéger l’importation de nos marchandises coloniales, réduite presque à néant pendant la guerre, il a chargé de droits excessifs le sucre et le café qui nous viennent par une autre route, et qui doivent cependant suffire presque seuls à notre consommation; c’est encore ainsi, qu’en faveur de notre commerce des Indes Orientales, qui cependant n’existait presque plus, on a forcé les consommateurs à ne recevoir que des contrebandiers les marchandises de ces pays éloignés dont il se fait en France un débit prodigieux. Sous prétexte de favoriser notre culture, l’on a taxé toutes les boissons, les huiles, les soies, la cire, et les tabacs en feuille; on a prohibé les eaux-de-vie de grain, le rhum, les tabacs fabriqués etc.; quoiqu’il soit démontré, que ceux des Départements qui produisent ces denrées, loin de craindre la concurrence des étrangers, allaient leur vendre sur leurs propres marchés, et que ceux au contraire, qui ne les produisent pas, et qui pourraient les tirer à meilleur marché d’ailleurs, ne sont point à portée de consommer les productions françaises. Le Nord de la France n’est point le marché naturel des eaux-de-vie et des vins du midi; les huiles et les boissons d’Aix et de Cognac peuvent être transportées à meilleur marché au bout de l’Océan qu’en Alsace et en Lorraine. Le consommateur de ces deux dernières Provinces, à qui l’on interdit l’usage des huiles et des eaux-de-vie de grains de l’Allemagne, est donc taxé grièvement dans sa consommation, sans que son compatriote du midi de la France en dérive le plus léger avantage. Les cires, les soies, les huiles, la garance, qui servent de matière première à nos manufactures, et qui sont taxés à leur introduction, sans que le producteur national en retire le moindre bénéfice, ne peuvent augmenter de prix, sans que les produits de nos manufactures n’augmentent de prix dans une proportion bien supérieure. (Liv. II. Chap. v.) Enfin les manufactures qui n’ont pas besoin de monopole, puisqu’elles continuent de vendre à l’étranger, en profitent néanmoins à l’intérieur, et rançonnent l’acheteur français, tandis qu’elles vendent à un prix équitable au consommateur libre; bien que cette différence et ce double prix doivent tôt ou tard amener la ruine de notre commerce d’exportation. C’est en réunissant toutes ces considérations que l’on est amené à croire, que si l’impôt sur les consommations n’est pas à beaucoup près si onéreux pour chaque citoyen en France qu’en Angleterre, du moins la perte qu’il occasionne à trente millions de Français doit être égale à la recette nette d’impôts semblables levés sur dix millions d’Anglais seulement: or nous avons vu que cette classe d’impôts a produit en Angleterre dans une année jusqu’à 15 millions et demi Sterling, ou 372 millions de francs (1).

[Translation]

   More often than not, for example, the legislator has wanted to promote a branch of manufacture or commerce whose annual produce does not amount to 50 thousand francs, while consumption of a similar goods amounts to more than one million francs all over France. If for this purpose he has taxed 10 per cent upon the imported commodity which competes with that of the manufacture he protects, he occasions more than 100,000 francs of loss to consumers, to procure 5000 francs of profit for this manufacture, allowing only smugglers of the commodity to gain profits. This is how, in order to promote the manufactures of painted cloth, muslin, cotton cloth of all sorts, and ironmongery, which may be insufficient even for a tenth of French consumption, he has taxed all this consumption, and has gone in favour of smugglers by a prohibition. Moreover, the legislator has often imposed much upon foreign industry, and thereby intended to incubate a manufacture in his country which had it, with no success. As we have seen, he has raised cotton yarn and files of watch-making in price, in vain. In this case, the loss sustained by consumers or manufacturers does not occasion the least profit to any one but smugglers. Furthermore, he has often acted to promote foreign trade in the same way. To protect that importation of our colonial commodities which was reduced almost to a null during the war, he imposed excessive taxes upon the sugar and coffee which come to us from anywhere else, and which alone should nevertheless be sufficient for our consumption. Moreover, to promote our trade with East Indies, which nevertheless hardly existed any longer, he forced consumers to receive commodities, exclusively through smugglers, from those faraway countries against which France comes to have surprisingly unfavourable balance. On the pretext of promoting our cultivation, taxes have been levied upon all drinks, oil, silk yarn, wax, and tobacco leaf; spirits from grain, rum, tobacco and others have been prohibited. However, it is demonstrated that those departments which produce these provisions, free from fear of competition with foreigner countries, would go to their own markets to sell them, and that those departments which, on the contrary, do not produce them, and could bring them from elsewhere at a lower price, are not inclined to consume the French produce. The North of France is not a natural market for brandy and wine from the South. Oil and drinks from Aix-en-Provence and Cognac can be transported at a lower cost to the end of the Atlantic Ocean than to Alsace and Larraine. The consumer in the last two provinces, which prohibit the use of oil and brandy made of grains from Germany, is therefore severely taxed in consumption, the fellow-countrymen in the South of France not deriving the least advantage. Wax, silk, oil, and madder, which serve as raw material for our manufactures, and which are taxed in importation without more profits for the home producer, cannot rise in price without giving higher rise to the price of our manufactured produce (book 2, chapter 5). Finally, we have some manufactures which need no monopoly, because they continue to sell to foreigners, and nevertheless profit from the home market and extort money from French purchasers, while they sell to the free consumer at an equitable price. This difference and this double price should sooner or later lead to the ruin of our trade of exportation. These considerations, united together, lead to the belief that if the tax upon consumption is not so costly, or much less costly, for each citizen in France as in England, yet the loss sustained by thirty million French people should be equal to the net revenue from similar taxes levied upon ten million English people alone. We have seen that this class of taxes in England has amounted up to 15.5 million sterling, or 372 francs, in a year (1).