Thursday 26 August 2010

Book 3, chapter 5, paragraph 06

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 280-283]

   Le marché dans lequel les charpentiers exercent leur industrie est excessivement resserré; ou ils travaillent sur place, ou s’ils transportent leurs ouvrages les moins volumineux, ce n’est qu’à une fort petite distance; les autres métiers ont un marché plus ou moins étendu, en proportion du volume de leurs productions, comparé à leur prix, et de la facilité des communications dans leur voisinage. Le marché de tout producteur est circonscrit par le nombre de consommateurs pour lesquels le prix intrinsèque de sa marchandise rendue chez eux est aussi bas que leur prix relatif; or le nombre des artisans de tout métier doit nécessairement se proportionner au marché pour lequel ce métier travaille. Jusqu’à ce qu’il le fournisse tout entier, il n’y a point d’inconvénient à ce que ce nombre s’augmente, et l’on peut toujours être assuré que si le commerce et l’industrie sont libres, ou il ne passera pas au delà de la proportion requise, ou il y reviendra dès qu’il l’aura dépassée. Mais l’institution des maîtrises empêche le nombre des artisans de se proportionner au marché pour lequel ils travaillent; en le soumettant à une fixation arbitraire, elle doit nécessairement faire le mal, ou des consommateurs, ou des marchands et artisans; car il n’y a qu’une chance pour que le nombre convenable et le nombre légal se rencontrent, et il y en a mille pour qu’ils ne s’accordent pas. Si le nombre des maîtrises, ou celui des marchands, est fixé par un statut au-dessous de ce que demande le marché pour lequel ils travaillent; ce marché n’étant pas suffisamment fourni, ceux qui le pourvoient seront les maîtres d’élever le prix relatif de leurs ouvrages au-dessus du prix intrinsèque, et d’augmenter ainsi les dépenses de la nation. C’est ce qui arrive à l’ordinaire, puisque les marchands sont presque toujours les Législateurs de leur propre corps, et que leur avantage se trouve dans cette disproportion; mais il arrive aussi quelquefois que le marché d’un métier se resserre, le nombre des consommateurs dont le prix relatif est égal au prix intrinsèque du producteur allant en diminuant, soit que de nouvelles fabriques se soient établies plus à leur portée, que les transports soient devenus plus dispendieux, ou que la mode ait abandonné cette branche particulière de consommation. Dans ce cas les producteurs seront trop nombreux comparativement aux consommateurs, et la législation des maîtrises retardera le rétablissement de l’équilibre, en les attachant à leur corps, et en leur fermant l’entrée des autres professions. Ils sont donc forcés de travailler pour quelque chose de moins que le prix intrinsèque, et par conséquent de souffrir de la misère; en même temps que par la suppression de leurs profits légitimes, ils privent la nation d’une partie de ses revenus. En fixant le nombre de ceux qui exercent chaque métier, on l’empêche donc de se proportionner à ce que l’intérêt des consommateurs, celui des classes productives, et celui des artisans eux-mêmes auroient demandé.

[Translation]

   The market for which carpenters exert their industry is excessively narrow. They work, not moving from place to place, or transport their least voluminous works at an extremely short distance if they can. The other professions have a market more or less extensive, depending upon the volume of their produce in proportion to its price, and upon the easiness of communication in the neighbourhood of the market. The market of any producer is limited by the number of consumers who think the intrinsic price of his commodity delivered to them to be as low as their relative price. The number of artisans in any trade should necessarily be in proportion to the market for this trade. Until it is entirely full, there is no obstacle to the increase of this number. We can always be certain that, with free trade and industry, it will not pass beyond the due proportion, or will come back to it as soon as the number has passed beyond it. However, the institution of masters keeps the number of artisans from being in proportion to the market for which they work. By fixing the number to an arbitrary level, the institution should necessarily do harm to consumers or merchants and artisans. This is because only by chance are the appropriate number and the legal number equal, and in most cases they are not. If the number of masters or merchants is legally fixed below the level demanded by the market for which they work, this market will not be sufficiently filled, and those remaining in the market will be allowed to raise the relative price of their works above the intrinsic price, and, therefore, to have the nation run up expenses. This usually happens because merchants are almost always the legislators of their own association, and because their advantage is found in this disproportion. However, it happens some times, too, that the market for a trade shrinks, and that the number of consumers whose relative price is equal to the intrinsic price of the producer diminishes gradually. It does not matter whether this is because some new manufactories are established more within the reach of consumers, because the cost of transport has been higher, or because this particular branch of consumption has gone out of fashion. In any of these cases, the producers will be too large in number in comparison to the consumers, and the legislation for masters will put the restoration of the balance on hold, sticking them to their association, and keeping them from entering into another profession. Therefore, they are forced to work for some thing below the intrinsic price, and, as a consequence, to suffer from misery. At the same time, the suppression of their legitimate profits deprives the nation of a part of her revenue. The specification of the number of those who engage in each trade, therefore, means that it can be out of proportion to the demand from the interest of consumers, of productive classes, and of the artisans themselves.