Friday 15 May 2009

Book 1, chapter 6, paragraph 24

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 181-84]

   Au moment où la banque de France, le comptoir commercial, ou la caisse d’escompte, augmentent leur circulation, il existe toujours une certaine dette de la France envers les étrangers, tout pays commerçant ayant habituellement des dettes de ce genre. Les débiteurs Parisiens emploient aussitôt à payer leurs dettes l’argent que ce nouveau papier fait refluer de la circulation; et l’on éprouve une abondance momentanée de capitaux, les dettes étant soldées sans que la circulation interne soit diminuée, parce que le signe y a pris la place de la réalité. Jusques-là, et pas plus loin, l’émission d’un papier-monnoie [monnaie] est utile. Mais l’on sent d’une part que l’utilité qu’on en peut dériver est fort limitée, puisqu’il n’y qu’une partie du numéraire, celui qui circule par grosses sommes entre négocian[t]s, que l’or puisse remplacer par du papier; de l’autre, cette opération qui anime le commerce, est accompagnée de dangers tout au moins égaux à ses avantages, à cause des variations de valeur auxquelles est nécessairement exposé un signe qui n’en a aucune par lui-même. Du reste échanger le numéraire qu’on possédoit [possédait] déjà contre une richesse mobiliaire [mobilière] plus productive, ce n’est pas multiplier les capitaux, c’est seulement en tirer un plus grand parti; aussi l’établissement d’une banque n’ajoute-t-il rien aux fonds que possédoit [possédait] la nation, le pouvoir du crédit ne s’étend pas jusques-là; il procure à l’un, l’usage de ce qui étoit [était] au service de l’autre, mais il déplace, et ne crèe [crée] jamais. Ce n’est pas qu’il ne paroisse [paraisse], au moment de l’émission des billets de la banque de France, que plus de fonds circulent sur la place, et que l’intérêt de l’argent baisse; mais cette chute est de courte durée; elle tient à ce que les Directeurs prêtant ce qui n’est pas à eux, ne sont pas au premier abord très difficiles sur les conditions du contrat. Ils cèdent en effet, avant de la tenir, la richesse mobiliaire [mobilière] déjà existante dans leur pays, et dont leurs billets leur donneront la disposition; mais bientôt il se trouve que cette richesse réelle n’est point augmentée par la fabrication de leur papier, et au bout de trois semaines ou d’un mois, l’escompte remonte au même prix où il étoit [était] avant l’émission de leurs billets. Concluons donc qu’un capital immatériel très considérable n’ajoute rien à la richesse nationale, quoiqu’il soit en général le signe de son existence; il est dû le plus souvent au commerce, il s’accroît avec lui et d’ordinaire il le facilite; mais si chaque capitaliste faisoit [faisait] valoir ses propres fonds au lieu de les confier à des emprunteurs, et de se décharger sur eux de tout soin, la fortune publique seroit [serait] précisément la même, quoique tout le capital immatériel fût par-là anéanti; autant de travail seroit [serait] produit chaque année, et le revenu national ne seroit [serait] point altéré. Cette révolution dans les usages et les mœurs n’auroit [aurait] peut-être rien de désirable, mais il ne faut point croire non plus l’existence de l’État attachée à l’ordre actuel, et calculer ses ressources sur des richesses fictives et des capitaux imaginaires, qui ne sont jamais que comme le spectre d’une richesse plus solide que réfléchiroit [réfléchirait] un miroir, et qui ne pourroit [pourrait] exister indépendamment d’elle.

[Translation]

When the Bank of France and a commercial bank, or a discount house, increase their circulation, there comes to being a certain debt of France to foreign countries, as every trading country usually has this sort of debts. Debtors in Paris promptly repay their debt with that money which is released from circulation due to this new issue. Then France sees a temporary abundance of capital, as the debts are cleared off with the internal circulation undiminished, because the sign has taken the place of the real money. The issue of paper money is useful up until this point of time, but not beyond it. On one hand it is thought that the utility which can be derived from paper money is extremely limited, because only a part of specie could be replaced by paper, a part which circulates by the large sum among traders. On the other hand, it is thought that this operation which animates commerce is accompanied by dangers at least equal to its advantages, because of the variations of value to which a sign which has no value in itself is necessarily exposed. In addition, an exchange of the already possessed specie for a more productive movable wealth is not to make the capital grow, but only to make more use of it. Therefore the establishment of a bank adds nothing to the money the nation possessed, and the power of credit does not extend itself so far. It procures [the] one the usage of that which was serviceable to the other, but it displaces, never creates. Admittedly it seems at the moment of issue of notes by the bank of France, that more money circulates in the market and that the interest of money falls, but this fall does not last long enough. It derives from the fact that the directors lending what does not belong to them are not so strict about the conditions of the contract at first sight. Before holding it, they, in fact, make over the movable wealth which already exists in their country, and which will be in their disposition thanks to their bills. But it soon turns out that this real wealth is not increased by issuing their paper, and in three weeks or one month the discount will be back to the same rate as it used to be at before the issue of their notes. Let us conclude therefore that a considerable amount of intangible capital adds nothing to the national wealth, even though it is in general the sign of its existence. The intangible capital derives the most often from commerce, grows with it, and generally facilitates it. But if every capitalist made use of his own money instead of trusting it to borrowers and imposing every management on them, the public fortune would remain precisely the same, even though the intangible capital might disappear due to it. The same amount of labour would be performed every year, and the national revenue would be unchanged. This revolution in usages and manners would perhaps not be desirable at all, but it is not necessary, either, to believe the existence of the state attached to the present order and to calculate its resources on fictitious wealth and imaginary capital, which are something like that ghost of the more solid wealth which would be reflected on a mirror, and which could not exist independently of it.