Friday 22 October 2010

Book 3, chapter 7, paragraph 10

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 336-339]

   Mais les Européens ont payé chèrement les connaissances qu’ils ont acquises; ils les ont dues à leurs richesses, et celles-ci en produisant le luxe, ont bientôt amené à leur suite, les vices, la mollesse, et l’oisiveté; en sorte que chez les nations dès long-temps civilisées, si un seul artisan peut faire aisément dix fois plus d’ouvrage qu’il n’aurait pu faire avant leur civilisation; d’autre part la moitié ou les trois quarts des hommes se reposent, ou font un ouvrage qui n’est nullement profitable à la société. Les Colons partis en cherche de fortune, ont tous porté dans leur nouvelle patrie le désir du travail: là trouvant ce qu’on ne rencontre jamais en Europe, de terres qu’il leur suffisait de cultiver pour en acquérir la propriété; ils se sont presque tous voués à l’agriculture, parce qu’affranchis de la rente, et obtenant gratuitement le travail de la nature, qui accroissait les forces productives du leur, ils ne pouvaient exercer leur industrie d’une manière plus profitable. Le travail des champs a produit sur leur caractère l’effet qu’il produit en tous lieux; l’agriculture les a ramenés aux mœurs des nations naissantes, elle a banni le luxe, et les vices qu’il entraîne à sa suite; en isolant l’homme, en lui faisant trouver ses ressources en lui-même, elle l’a rappelé au sentiment de sa liberté et de son indépendance, et elle a déployé dans son caractère cette énergie qui n’appartient qu’aux hommes libres; en lui présentant les jouissances pures de la nature, elle lui a fait perdre le désir des faux plaisirs, qu’engendre la mollesse; enfin elle a donné pour caractère distinctif aux nations naissantes des Colonies, l’amour du travail, et la tempérance mère de la vigueur; en sorte que celles-ci contiennent, comme les Peuples dans leur enfance, un très grand nombre d’ouvriers productifs proportionnellement à leur population totale, et que comme il arrive chez les seules nations qui depuis long-temps, se sont perfectionnées dans les arts, la valeur du produit du travail de ces ouvriers, est fort grande, proportionnellement au salaire nécessaire qui les met en mouvement: d’où il résulte que le revenu des Colonies, tant en salaire superflu qu’en profit et rente, est fort supérieur à celui de toute nation composée d’un nombre égal d’individus, et dont le capital monterait à la même somme; et que leur consommation ou leur dépense est beaucoup moindre, à cause de la frugalité qui fit toujours le caractère distinctif des gens industrieux. Les revenus des Colons surpassant donc de beaucoup leurs dépenses, ils doivent s’enrichir rapidement, et la prospérité de leur nouvelle patrie, doit suivre avec célérité une progression croissante (2).

[Translation]

   However, the Europeans have paid a high price for the knowledge that they have acquired. They owed it to their wealth, and the wealth caused luxury, and, thereafter, brought vice, laxity, and indolence. As a consequence, in countries where nations have been civilised for a long time, while one artisan can easily produce ten times as much as he could have before their civilisation, a half of or three fourths of men remain at rest, or produce what is not useful at all to society. The settlers emigrating in search of fortune carried the desire for labour into their new country. Finding there what is not found in Europe, that is, regions of land where cultivation was sufficient to possess them, the settlers were almost devoted to agriculture, because, escaping from rent, and using the labour of nature, free of charge, which increased their productive powers, they could not exert their industry in a more profitable way. Labour on farms produced the effect that it produces in all places, upon their character. Agriculture restored them to the manners of developing nations, and banished luxury and vice accompanying it. Isolating a man, and leaving him in search of resources in himself, agriculture recalled him to sentiments of his freedom and independence, and planted in his mind that energy which belongs to only free men. Presenting him pure enjoyments of nature, agriculture relieved him of the desire for evil pleasures engendered by laxity. Finally, agriculture provided developing nations of colonies with distinctive characters: love of labour and temperance for vigour. As a consequence, like peoples in infancy, these nations have a great number of productive labourers in proportion to their total population, and, as is the case only with the nations who have advanced in arts for a long time, the value of the produce of labour by these labourers is huge in proportion to the necessary wages that set them in motion. From this it follows that the revenue of the colonies, not only in profit and rent but also in surplus wage, is much larger than that of any nation that would be composed of an equal number of individuals, and whose capital would amount to the same sum; that their consumption or expenditure is much smaller thanks to the frugality that always provides the distinct character for industrious men. The revenue of the settlers is, therefore, by far larger than their expenditure; they must grow in wealth rapidly, and the prosperity of their new country must go through a growing progression rapidly (2).