Friday 7 May 2010

Book 3, chapter 2, paragraph 51

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 205-209]

   La manufacture de soie en 1788 occupait 58500 ouvriers; sur 14777 métiers elle en avait 5447 de vacants; sa décadence était déjà très marquée; elle a perdu encore environ 2335 métiers depuis cette époque. Paris consommait la moitié des produits de ses manufactures, les provinces un quart, l’étranger le reste (31). Les étoffes en dorure étaient consommées aux trois quarts par l’étranger; l’exportation se soutient aujourd’hui d’une manière proportionnée à la diminution du débit total. La douane ne favorise donc point une manufacture dont le prix intrinsèque est inférieur au prix relatif des autres nations. Voici cependant les faveur qu’elle demande 1.° Qu’on permette la sortie du numéraire pour acheter les soies d’Italie (32). Nous avons vu dans les deux premiers livres que la raison et la saine politique autorisent la libre sortie du numéraire dans tous les cas. 2.° Qu’on admette le velours et les autres étoffes de Lyon dans le costume des autorités constituées (33). Il me semble qu’à cet égard le Gouvernement en multipliant les costumes, s’est éloigné de son but. La France était en possession de régler la mode dans toute l’Europe, et ses manufactures dérivaient un très grand avantage de cet empire qu’elle avait acquis sur le goût. En multipliant les costumes, elle s’expose à le perdre; car un étranger se rendrait ridicule s’il paraissait en public avec l’habillement distinctif d’un Consul, d’un Conseiller d’État ou d’un Préfet français; lorsqu’au contraire ceux-ci ne se distinguent de leurs concitoyens que par plus de recherche et de goût dans un habillement de fantaisie, tous ceux qui les voient, s’empressent de les prendre pour modèles, et la mode établit son empire sur la considération attachée à tout ce qui rappelle l’image de personnages importants. 3.° Que l’on établisse un droit de vingt-cinq pour cent sur les crêpes de Bologne, introduits en France (34). Les crêpes de Bologne ne sont peut-être pas réellement supérieurs à ceux de Lyon, mais ils jouissent d’une ancienne réputation, qui fait qu’ils se vendent 50 francs la pièce, tandis que les derniers ne se vendent que 45 francs; ceux-ci depuis l’invention de la machine à crêper de Bagnon, qui économise les trois quarts du travail, peuvent réellement être cédés à meilleur marché, aussi s’en exporte-t-il encore quelque peu à l’étranger, et les fabriques de crêpe ont-elles pris chaque jour dans l’année dernière un plus grand degré de prospérité (35). Le monopole qu’on demande autoriserait donc une fabrique, qui fait déjà des profits très honnêtes, à augmenter son prix de vingt-cinq pour cent au préjudice des consommateurs français; car quant aux étrangers ils cesseraient d’acheter à ce prix-là. Un profit si considérable attirerait de nouveaux capitaux à la manufacture de crêpes, et les ôterait probablement aux fabriques travaillant pour le dehors, puisque ce sont celles dont les bénéfices peuvent le moins s’élever. Enfin un droit imposé sur les soieries d’Italie, autoriserait du moins aux yeux de la justice générale, les États d’Italie à imposer un droit correspondant sur les soieries de Lyon, qui trouvent dans toute cette contrée un débouché très avantageux, particulièrement pour les étoffes façonnées; en sorte que l’innovation demandée réduirait le commerce d’importation de Lyon, et le changerait en un commerce intérieur de monopole.

[Translation]

   In 1788 the silk manufacture employed 58,500 labourers, and had 14,777 looms, 5,447 of which were idle. Its decline was already extremely remarkable. It has lost some 2,335 more looms ever since. Paris consumed a half of the productions of these manufactories, provinces a quarter, and foreign countries the rest (31). As for silk gilded with gold, three fourths was consumed abroad. The exportation is today maintained in a way proportional to the diminution of the total sales. Therefore, the customs duty does not aid a manufactory whose intrinsic price is inferior to the relative price in foreign markets. Now, nonetheless, it demands preferential treatments. First of all, it demands that specie should be allowed to flow out to purchase silk of Italian make (32). We have in the first two books seen that reason and sound policy admit the free outflow of specie in all cases. Secondly, it demands that velvet and other cloth from Lyon should be adopted as materials of official costumes (33). It seems to me that in this respect the government has been far away from its purpose, by multiplying the costumes. France was in a position to set the fashion all over Europe, and her manufactures derived a great advantage from that empire she had acquired over the fashion. By multiplying the costumes, she is exposed to the risk to lose it, because a foreigner would be made fool of if he appeared in public in dress distinctive from a French Consul, Councillor of State or Prefect. If such a person is, on the contrary, only distinguished by better refinement and grace in irregular clothing, all those who see him are soon to take him for models, and the mode establishes its empire over the consideration attached to all that reminds us of the image of important personages. Thirdly, it demands that a tax of 25 percent should be imposed upon silk crepe imported from Bologna to France (34). Crepe from Bologna is perhaps not really superior to that from Lyon, but it still enjoys the past reputation, thanks to which it sells at 50 francs a piece, while that from Lyon sells only at 45 francs. Since the invention of machines for frizzing in Bagnon, which save three fourths of labour, crepe from Lyon can really be supplied at a lower price, and, therefore, a little of it is still exported abroad, and silk crepe mills have being carried to a higher and higher degree of prosperity day by day this one year (35). The demanded monopoly would, therefore, authorise a manufactory, which already makes a decent profit, to increase its price by 25 percent to the detriment of consumers in France. The reason is that, as for foreign consumers, they would cease to make a purchase at such a price. Such a considerable profit would attract new capitals to the crepe manufacture, and would deprive manufactories operated for foreigners of the capitals, because these manufactories cannot make their profits higher in the least. Finally, a tax imposed upon silk cloth from Italy would, at least in terms of general justice, authorise the Italian states to impose a reciprocal tax upon silk cloth from Lyon, which finds an extremely advantageous outlet in all this area, particularly for adorned cloth. As a consequence, the demanded innovation would reduce the exporting trade of Lyon, and would turn it into a home trade of monopoly.