Wednesday 22 September 2010

Book 3, chapter 6, paragraph 10

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 310-312]

   On serait disposé à croire en voyant faire une perte si énorme à une Compagnie revêtue de privilèges si avantageux, que le commerce qu’elle entreprenait était de sa nature si dangereux et si peu profitable, que toutes les gratifications du Roi ne pouvaient compenser les risques qui lui étaient attachés; on se tromperait fort cependant; c’était l’entreprise de conquérir, gouverner, et trafiquer tout ensemble, qui le rendait ruineux. Il n’appartient point aux mêmes personnes de se charger d’opérations aussi contraires, et qui demandent une tournure d’esprit si différente. Aucune assemblée au monde n’est moins propre à exercer la souveraineté qu’une assemblée de marchands, et aucune société n’est moins propre à réussir dans le commerce qu’une compagnie de Souverains. Dans le temps même où la plus ancienne Compagnie des Indes s’épuisait par des guerres désastreuses, des interlopes, particulièrement de Saint-Malo, qui outre tous les obstacles que la Compagnie elle-même rencontrait dans les Indes, avaient encore à lutter contre la jalouse vigilance de ses facteurs, et contre toute la rigueur des ordonnances à leur retour en France, faisaient cependant avec l’Inde le commerce le plus lucratif. Ils voulurent lui donner plus de consistance, en acquérant d’elle-même le droit d’y négocier, ils l’achetèrent à des conditions fort onéreuses, abandonnant à la Compagnie quinze pour cent du produit de la vente des marchandises qu’ils tireraient de l’Inde, s’engageant à porter pour son compte sans payement d’aucun fret dix tonneaux de marchandises des Indes par vaisseau, et pédant à la Compagnie la prime que le Roi accordait pour chaque tonneau employé à commerce (3). La prospérité de ces marchands eut pour terme, celui de leur indépendance; dès qu’ils eurent acquis de la consistance et des privilèges exclusifs, ils commencèrent à leur tour à déchoir.

[Translation]

   The fact that a company with such advantageous privileges recorded a great deficit might lead us to believe that the undertaking of the company was so dangerous and unprofitable by nature, that all preferential treatments from the King could not compensate the risks attached to it. But this would be a gross misunderstanding. It was the project to conquer, govern, and trade all together that ruined the company. We must not charge one person with the tasks which are so contrary to one another, and which demand such different casts of mind. No assembly is less good for a sovereign role than an assembly of merchants, and no company is less good for commercial success than a state company. When the first India Company exhausted itself due to disastrous wars, interlopers, especially from Saint-Malo, did the most roaring trade with India, in spite not only of all the obstacles that the company met in the Indies, but also of the jealous vigilance of its staff and of all the rigorous ordinances in their return to France. They hoped to give their business more firmness by acquiring the right to trade there for themselves, and bought it on extremely burdensome conditions, that they should yield to the company 15 per cent of the sales of commodities imported from India, should carry ten tons of commodities from India per vessel on its behalf without receiving payment for transport, and should cede the company the bounty that the King accorded for each ton used for this trade (3). The prosperity of these merchants lasted as long as their independence. Hardly had they acquired stability and exclusive privileges when they began going into decline in turn.