Wednesday 28 January 2009

Book 1, chapter 1, footnote 1

[De la richesse commerciale, Sismondi, 1803, Original, 31-34]

(1) [(1)] Un traducteur d’Adam Smith (Mr. Garnier dans sa note XX. T. v. p. 169.) a attaqué la distinction entre le travail productif et le travail improductif, et il a cherché à rétablir à sa place celle qu’avoient [avaient] imaginé les économistes François [Français], entre le travail de l’agriculture et celui des manufactures, dont le premier seul occasionne à leurs yeux une production, et le second un échange; nous reviendrons dans plus d’un endroit de cet ouvrage à appuyer la distinction qu’il combat, et qui fait la base de tout le système d’Adam Smith; aussi éviterons nous d’entrer, dès le premier chapitre, dans une discussion en forme avec l’habile économiste que nous venons de citer. Nous remarquerons seulement que la distinction que nous énonçons est assez frappante pour devoir être admise par tous ceux qu’un esprit de système n’a point prévenu[s]. Chacun voit au premier coup d’œil que certains travaux sont susceptibles d’accumulation, et que d’autres ne le sont pas: un peu de réflexion suffit ensuite pour faire comprendre que la société ne peut être enrichie que par les travaux dont les fruits s’accumulent, qu’eux seuls sont l’origine d’une propriété. Mais dit Mr. Garnier, le musicien, l’orateur, le poète sont aussi utiles à la société que la marchande de modes, la bouquetière, le limonadier; cela peut être, et leur utilité n’est point ici l’objet en question: si nous le traitions, nous dirions que les richesses ne sont utiles qu’autant qu’elles procurent des jouissances, qu’il faut distinguer dans la société les métiers qui font naître les richesses, d’avec ceux qui les échangent contre ces mêmes jouissances qu’elles doivent procurer, que les derniers ont leur utilité comme les premiers, et qu’ils en ont d’autant plus qu’ils procurent une plus grande masse de jouissances, ou des jouissances plus appropriées au goût de la nation chez qui on les exerce: il n’en est pas moins vrai qu’une portion de la richesse nationale ne peut pas consister en sons ni en déclamations, tandis que nous concevons fort bien comment des sucres, des boissons, des dentelles et des soieries, ou d’autres marchandises qui remplissent la boutique, soit du limonadier, soit de la marchande de mode, peuvent en faire partie; parce que ceux-ci s’accumulent, et que les premiers ne s’accumulent pas. Mais dit encore Mr. Garnier, la distinction est souvent bien difficile à maintenir; tel ouvrier, tantôt travaille sur le neuf, tantôt ne fait que réparer ou conserver d’anciens produits du travail: le tapissier, le pelletier, et la lingère, rendent le plus souvent des services du même genre que le valet-de-chambre; sont-ils des ouvriers productifs ou ne le sont-ils pas? Ils sont avec bien d’autres, répondrai-je, sur les confins des deux classes, et appartiennent tantôt à l’une tantôt à l’autre. De ce que les extrémités de deux classes se touchent, en conclura-t-on qu’elles ne diffèrent point? Les économistes en faisant toujours usage d’abstractions, ont considéré chaque classe comme composée d’une seule espèce; les vrais observateurs reconnoissent [reconnaissent] au contraire que toutes les choses soumises à l’étude et à l’inspection des hommes forment une chaîne, que toutes les divisions dans toutes les sciences sont artificielles, et qu’elles séparent souvent des chaînons faits pour se toucher, sans en être pour cela moins utiles. Il a fallu toute l’habileté de Trembley pour reconnoître [reconnaître] que let polypes étoient [étaient] des animaux, Vaucher n’en déploye pas moins pour montrer que les conferves sont des plantes, en conclura-t-on qu’un chêne ne diffère point d’un cheval? La classe des ouvriers productifs touche à la classe improductive par deux points différeren[t]s; premièrement le même ouvrier appartient tour-à-tour à l’une puis à l’autre; selon qu’il s’occupe de produire ou de conserver, selon qu’il augmente, ou n’augmente pas la valeur échangeable de la chose sur laquelle il travaille, ce qui s’applique au pelletier, au tapissier, à la lingère, que cite Mr. Garnier: secondement, les fruits du travail de quelques ouvriers productifs, ont une existence si courte, si éphémère, qu’eux-mêmes se trouvent dans une situation équivoque entre les deux classes. La valeur qu’ils produisent devant être consommée en très-peu de tem[p]s n’est pas susceptible d’accumulation; or cet intervalle de tem[p]s entre la production et la consommation, qui est nul dans les métiers improductifs, assez long et susceptible de se prolonger à volonté dans les métiers vraiment productifs, et fort court dans les équivoques, est la seule origine à laquelle on puisse rapporter la propriété mobiliaire [mobilière]. Le fruit du travail du musicien se dissipe à l’instant même; celui du travail du traiteur, du patissier [pâtissier], du cuisinier, se consomme au bout de peu d’heures; si les marchandises produites par le tisserand et le forgeron n’avoient [avaient] pas plus de durée, il n’auroit [aurait] pas valu la peine d’établir la distinction que nous maintenons, car dès l’instant que le fruit du travail est consommé, qu’il est appliqué à la jouissance, peu importe que ce travail ait été productif ou non.

[Translation]

(1) A translator of Adam Smith (Mr. Garnier in his note 20, vol. 5, p. 169) has attacked his distinction between productive and unproductive labour, and has tried to return to its place what the French Economistes invented, a distinction between the agricultural labour and that of manufactures; in their eyes the former is the only cause of production, and the latter is just that of exchange. We will come again, in some places of this work, to espouse the distinction which the translator attacks and on which the whole system of Adam Smith is founded. Therefore, as early as the first chapter, we will avoid entering into definite argument with the learned economist we has just referred to. Now we will just note that the distinction we expound is so remarkable that it should be accepted by all those discontented with a sprit of system. Everyone recognises, at first sight, that some kinds of labour are capable of accumulation, and that others are not. And then a little reflection suffices to understand that the society can only be enriched by those kinds of labour whose fruits are accumulated, or that they are the only origin of property. Yet Mr. Garnier says that the musician, the orator, the poet are of as much utility to the society as the tailor, the florist, the café owner. This may be the case, but their utility is not that of which we make an issue here. If we dealt with utility in that sense, we would argue that the wealth is of utility only as long as it procures us some pleasure; that it is necessary to distinguish in the society those businesses which yield the wealth from those which exchange it for the very pleasure they should procure us; that the latter have their utility like the former; and that the latter have all the more utility in that they procure us more pleasure, or pleasure more to the taste of the nation some members of whom are engaged in them. It is nonetheless true that no part of the national wealth can consist in sound or in oratory, though we understand utterly well how sugar, beverage, lace and silk, or other commodities which fill the café or the shop can comprise part of the wealth. The reason is that the latter are accumulated and that the former are not. Still Mr Garnier says again that the distinction is often very difficult to maintain; one workman sometimes labours at something new, and sometimes does nothing but repair or maintain some produce of labour expended in the past. The tapestry-maker, the furrier, and the cleaner most often do the same services as the domestic servant. Are these services of productive labour or not? I will answer that they adjoin many other kinds of labour on the border between the two classes, and belong sometimes to one and sometimes to the other. Do you conclude that the extreme of one class and that of the other class are not different at all because they adjoin each other? The Economites, always making use of abstractions, considered each class as composed of a single kind. The true observers, on the contrary, recognise that all objects of human study and inspection form a chain, that any classification in any science is arbitrary, and that the sciences often separate chains between two objects which adjoin each other, without being less useful due to the separation. Trembley [Jean Trembley 1749-1811] needed all his genius in recognising that the polyp is a kind of animal, and Vaucher [Jean Pierre Étienne Vaucher, 1763-1841] displayed no less genius in showing that the cladophora is a kind of plant. Then do you conclude from these discoveries that the oak is not different at all from the horse? The class of productive labourers adjoins that of unproductive ones in two different points. First of both, one labourer belongs to the one class and the other class by turns, according as he is engaged in production or maintenance, according as he increases or does not increase the exchangeable value of the thing at which he labours (a point which is the case with the furrier, the tapestry-maker, and the cleaner, which Mr. Garnier refers to). Secondly, the fruits of labour by some productive workmen are so short-lived and so temporary, that they are found in an ambiguous situation between the two classes. The value produced by them shortly before being consumed is not capable of accumulation. This interval between the production and consumption is the only origin to which the movable property could be related; it is null in the unproductive businesses, is long enough and capable of being prolonged at the will of the really productive labourer, and is very short-lived in ambiguous situations. While the fruitage of labour by the musician vanishes at the very instant, that of labour by the caterer, the confectioner, the chef is consumed shortly after its production. If the commodities produced by the weaver and the blacksmith had no longer lasted, establishing the distinction we maintain would not have been worth while, because, as soon as the fruitage of labour is consumed, as soon as appropriated for pleasure, it does not matter whether the labour may have been productive or not.

[Translator's note]

(1) This chapter has two footnotes numbered 1. The other one is in this paragraph.